Une fois encore, les associations environnementalistes mettent les éleveurs et les bergers en danger en faisant suspendre l’arrêté d’effarouchement simple et renforcé sur l’estive d’Ustou Col d’Escots.
Tout a commencé le mercredi 27 juillet au tribunal administratif de Toulouse. Ce jour-là, une audience se tenait pour étudier la légalité de l’arrêté de Sylvie Feucher, préfète de l’Ariège, quant à l’autorisation de l’effarouchement simple et l’effarouchement par tirs non létaux d’ours bruns sur l’estive du groupement pastoral d’Ustou Col d’Escots pour prévenir les dommages aux troupeaux durant la saison d’estives 2022, publié le 22 juin 2022.
Une estive vivement prédatée en 2021 qui a nécessité plus de dix nuits d’intervention de l’office français de la biodiversité (OFB) dont plusieurs au cours desquelles l’ours a été effarouché à l’aide de tirs non létaux à double détonation.
Un arrêté suspendu

Lors de cette audience étaient représentés l’association One Voice, qui « défend une éthique animale et planétaire« , et la préfecture de l’Ariège.
En effet, cette association a saisi le tribunal en référé pour suspendre en urgence les autorisations d’effarouchement de l’estive d’Ustou Col d’Escots mais également celles de six autres groupements pastoraux. Par la même occasion, elle a attaqué l’arrêté national signé par les ministères de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire et de la Transition écologique autorisant les préfets à publier ce type d’arrêté.
En un temps record, le tribunal s’est saisi de cette affaire pour juger de son urgence. La requête de l’association a été reçue le 8 juillet par le tribunal qui, déjà, le 27 juillet tenait une audience. N’y a-t-il pas d’autres affaires à traiter qui requièrent l’attention des juges ? Des femmes en danger ? Des meurtres ? Non, cette été la justice a fait le choix de l’ours plutôt que de l’Homme.
Pendant près d’une heure et demie, trois représentants de l’État ont fait face à Hélène Thouy, avocate de One Voice, accessoirement cofondatrice et coprésidente du parti animaliste, pour défendre l’arrêté de Sylvie Feucher initialement pris en faveur des exploitants ariégeois.
Premiers concernés, aucun professionnel n’a été appelé à la barre pour témoigner, qu’il soit éleveur ou berger.
Un délai pour de nouveaux éléments

Après huit jours de réflexion, le tribunal a rendu sa décision dans un document de 11 pages ainsi que par le biais d’un communiqué de presse publié sur son site internet : l’arrêté concernant l’effarouchement sur l’estive d’Ustou Col d’Escots est suspendu en raison des doutes sur sa légalité mais également de la perturbation intentionnelle d’une espèce protégée non justifiée.
One Voice a demandé deux choses : la suspension de l’arrêté mais également la somme de 5.000€ à l’État en raison des frais exposés par cette requête. Un montant réduit à 1.500€ dans la décision finale du tribunal. […]
Défense du monde agricole
Après étude de tous les éléments, le tribunal administratif a donc choisi, dans sa décision finale, de suspendre l’arrêté de la préfète de l’Ariège en attendant qu’un avis final soit donné quant à la légalité de ce dernier.
Une décision justifiée en grande majorité par les arguments soulevés par One Voice dont un qui a particulièrement attisé les tensions au sein des professionnels agricoles : l’estive d’Ustou Col d’Escots ne dispose pas de chiens de protection.
En effet, selon le tribunal, il n’y a pas de corrélation entre la conditionnalité pour bénéficier d’indemnisations lors de morts d’animaux imputés à l’ours, soit deux modes de protection minimum, et celle pour établir un arrêté d’autorisation d’effarouchement.
« Le juge ne connait clairement pas les réalités de terrain. Cette décision a été prise en totale méconnaissance du dossier. La seule chose qu’il est parvenu à faire, c’est remettre de la pression au niveau des estives et créer du trouble« , s’indigne Alain Servat, maire d’Ustou et président de la fédération pastorale de l’Ariège.

Pas assez de pertes
Le tribunal a également argumenté en disant que les pertes liées à l’ours n’étaient pas assez « importantes » car elles représentent moins de 2 % de l’ensemble des bêtes présentes sur le foyer de prédation.
Ce qu’il n’a pas compris, c’est que pour un éleveur, une perte est déjà importante. Tout un travail de génétique est fait autour des troupeaux, un travail réalisé pendant des années et ce n’est pas l’indemnisation, qualifiée de « particulièrement favorable » par One Voice, qui pourra compenser ce travail.
De plus, le texte de loi abordant la notion de « dommage important » (4° b) de l’article L411-2 du code de l’environnement) ne précise pas à quel moment un dommage est considéré comme important. Cela repose donc sur l’appréciation du seul juge.
Ce texte de loi est d’ailleurs mentionné de nombreuses fois dans la décision du tribunal. Cependant, ce qu’il omet de dire, c’est que parmi les conditions de délivrance de dérogation se trouve la suivante : « Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique (…)« .
Ainsi, peut-on dire que la santé mentale des éleveurs et des bergers ainsi que la sécurité des randonneurs ne valent pas comme « intérêt de la santé et de la sécurité publiques » ? Doit-on rappeler au juge ce qui est arrivé en novembre à un chasseur à Seix, non loin d’Ustou ? Le chasseur a pu se défendre et doit aujourd’hui faire face à la justice mais demain un randonneur pourrait être tué par l’ours. Faut-il que le drame arrive pour que la justice réagisse ?
Les professionnels se sont tout de même interrogés quant à la volonté de l’État de défendre ce dossier. « Nous sommes dans l’incompréhension face à cette décision. Certes, le secrétaire général de la préfecture a évoqué dans la Dépêche un possible appel mais vont-ils vraiment le faire ?« , soulève Alexis Cabanié, secrétaire générale adjoint des Jeunes Agricul-teurs de l’Ariège.
Omettre des informations
Parmi les éléments de défense de l’arrêté qui auraient pu être mentionné se trouve le bilan 2021 de l’OFB quant aux mesures d’effarouchement.
En effet, l’un des arguments de One Voice est que les tirs à double détonation pourraient perturber une mère suitée. Or, dans son rapport, l’OFB déclare que « Sur ces trois opérations où une ourse suitée a été effarouchée, les oursons ont systématiquement suivi leur mère dans la fuite. À aucun moment l’effarouchement n’a eu pour effet de séparer la mère et les jeunes.«

« Ceux qui ont décidé de réintroduire l’ours, c’est l’État. La préfète qui autorise l’effarouchement représente l’État. Le tribunal administratif dépend de l’État. Il n’y a aucune logique dans ces décisions comme si l’État ne savait pas quoi faire de ces ours qui ont été réintroduits. Et en plus de ça, les associations récoltent de l’argent pour pouvoir encore plus nous mettre des bâtons dans les roues, c’est inconcevable« , énumère Sophie Alzieu, secrétaire générale adjointe de la FDSEA de l’Ariège.
Outre l’estive d’Ustou Col d’Escots, six autres estives ariégeoises se sont vues accorder une autorisation d’effarouchement simple ou renforcée par la préfecture. Ces six arrêtés ont également été attaqués par l’association.
L’audience s’est tenue le 8 août et une réponse est attendue aux environs du 16 août par le tribunal. Les estives concernées sont celles de Taus Espugues à Arrien-en-Bethmale, Arreau à Seix, Coumebière à Aulus-les-Bains, Sentenac d’Oust, Izard à Antras et Ourouas à Sentein.
À l’exception de Sentenac d’Oust, toutes ont bénéficiés de nuits de surveillance par l’OFB pour la saison 2021 au cours desquelles des rencontres avec l’ours ont été confirmées.
Pour autant, leur autorisation d’effarouchement pour la saison 2022 est également en péril et la décision prise pour Ustou ne présage rien de bon pour ces dernières.
Une fois de plus, l’État retire aux éleveurs le seul moyen qu’ils ont de se protéger de l’ours.
C.L. pour FDSEA et JA09