Nous sommes allés à la rencontre d’un louvetier du département afin qu’il nous explique son rôle et les problématiques auxquelles il est confronté.
La louveterie française est une institution fondée en 813 par Charlemagne, qui était à ce moment-là « chargée exclusivement d’éradiquer les nuisibles, et en particulier le loup, le plus nuisible de tous, par tous les moyens disponibles à l’époque. » L’association des Lieutenants de Louveterie de France a ensuite été créée en 1921 et reconnue d’utilité publique en 1926.
Son rôle
Depuis 5 ans, Jean Boulbes fait partie des 20 louvetiers de l’Ariège, soit 1 par circonscription. Ces personnes sont auxiliaires bénévoles de l’administration, assermentées en matière de police de la chasse et nommées par le Préfet pour une durée de 5 ans. Ils sont alors placés sous son autorité et effectuent des missions concernant la mise en œuvre des mesures de régulation d’espèces de la faune sauvage portant atteinte aux intérêts humains.
Jean Boulbes opère sur la circonscription de Mirepoix, qui va bientôt être renforcée par un autre louvetier au vu du trop grand nombre de sollicitations. En effet, il nous raconte qu’ « à chaque sortie on voit entre 10 et 20 sangliers, j’en ai jamais vu autant de ma vie ! ». Selon lui, cela s’explique par deux raisons principales : les sangliers se reproduisent dorénavant plusieurs fois par an (une seule portée auparavant) à cause d’hivers plus doux et les chasseurs sont de moins en moins nombreux pour les réguler. La mise en place de répulsif n’est pas assez efficace, la seule solution hormis la régulation reste donc la pose de clôture électrique en trois rangs mais cela a un coût et demande du temps de travail pour sa pose et son entretien. Il suggère alors la mise en place d’autres louvetiers suppléants car même s’ils s’entraident ou se remplacent si besoin, ils ne sont pas assez nombreux pour répondre à la demande. De plus, l’enchaînement des interventions qui ont lieu souvent la nuit et le weekend demande d’avoir une vie professionnelle et personnelle qui le permette, selon lui « il faut être à la retraite pour être louvetier ».
De manière générale, il peut être sollicité dans plusieurs cas de figure :
- Lors d’accident de la route causé par du gibier : il est appelé par la gendarmerie ou un élu communal pour venir achever l’animal blessé
- Lors de dégâts sur des cultures ou dans des jardins : il est appelé par les agriculteurs et les habitants pour poser des pièges (pratique peu répandue car ils doivent être enlevés chaque matin et remis chaque soir), réaliser des tirs de nuit ou organiser une battue administrative.
Sa plus forte période d’activité commence en mars après les semis, et dure jusqu’en août pour l’ouverture de la chasse anticipée aux sangliers.
Les louvetiers ont également un rôle sanitaire notamment par rapport à la tuberculose bovine. En effet, lorsqu’ils abattent un blaireau, ils doivent l’envoyer pour analyse. L’association des lieutenants de louveterie reçoit alors une contrepartie financière pour service rendu.
Devenir louvetier
Pour devenir louvetier ou recommencer un nouveau mandat, le candidat doit passer devant une commission départementale composée d’un responsable de la DDT, d’un garde de l’OFB et du président des louvetiers. Il doit être titulaire d’un permis de chasse depuis plus de 5 ans, être âgé de moins de 75 ans et présenter un certificat médical signé par un médecin agréé. Il s’engage également à entretenir à ses frais soit un minimum de quatre chiens courants réservés exclusivement à la chasse du sanglier ou du renard, soit au moins deux chiens de déterrage.
Lors de sa prise de fonction, chaque lieutenant de Louveterie signe la Charte des Lieutenants de Louveterie et prend alors des engagements.
A noter que le mandat des louvetiers, actuellement en fonction, arrive à son terme le 31 décembre 2024. La carte ci-après est donc susceptible d’évoluer. Nous vous ferons part de ces changements dans un article en janvier 2025.
Carte des lieutenants de louveterie de l’Ariège par circonscription
Les difficultés rencontrées
Jean Boulbes nous explique qu’ils rencontrent des difficultés logistiques dans la gestion des déchets de venaison du gibier, tout comme les chasseurs de manière générale. Le SMECTOM ne souhaite plus gérer les viscères et la peau du gibier, il ne reste donc plus que la solution de les enterrer. La solution demandée est la mise en place d’un conteneur pour l’équarrissage. Suite aux tirs de nuits, les louvetiers doivent également éviscérer les sangliers durant la nuit s’ils souhaitent faire profiter de la viande à des personnes ou alors amener les animaux à l’équarrissage, ce qui demande du temps supplémentaire.
Pour la mise en place de battue administrative, il est également parfois compliqué de trouver des chasseurs pour y participer alors que pourtant tout le monde est le bienvenu, même un chasseur qui n’est pas du secteur.
A cela s’ajoute des contraintes financières. En effet, les munitions de l’ensemble des louvetiers sont payées par l’association des lieutenants de louveterie, ce qui représente un coût de 500-600 €/an, mais il reste notamment à la charge de chaque louvetier leurs déplacements.
L’association dispose également d’une arme à disposition des louvetiers mais pour pouvoir réaliser plusieurs tirs dans la même nuit les louvetiers sont obligés d’être équipés eux-mêmes et à leurs frais. L’achat d’autres armes ou équipements pourrait être envisagé mais l’association dispose d’une trésorerie très limitée malgré les subventions données par certaines Communautés de Communes du département.
Pour terminer, les contraintes les plus importantes restent administratives. Lors de la mise en place d’une action de régulation, c’est le louvetier qui réalise les démarches pour qu’un arrêté préfectoral soit délivré, sous accord en amont de la Fédération des chasseurs. Pour les tirs sur les renards ou les blaireaux, il doit également remplir une fiche de dégâts et transmettre des preuves en photo ou vidéo. Il a aussi l’obligation d’informer la veille avant 18h la Gendarmerie et l’OFB de la mise en place de son action, ce qui est parfois compliqué à respecter en fonction de l’urgence de la situation.
Les bienfaits de la chasse
La pratique de la chasse est malheureusement controversée et pourtant elle a de nombreux bénéfices : la réduction des dégâts occasionnés aux parcelles agricoles et jardins des particuliers, l’entretien des chemins de randonnées réalisé par les chasseurs, le création de liens sociaux dans les zones rurales,… Malgré cela, « de nombreux chasseurs ont presque honte de dire qu’ils en sont un » selon Jean Boulbes et pourtant il nous assure que les mauvaises pratiques ont disparu.
Pour finir notre rencontre, Jean Boulbes nous explique qu’il réalise cette mission qui lui a été confiée avec passion même si cette année, il a parcouru à ses frais plus de 3000 km afin de préparer et réaliser 31 sorties (battues administratives ou tirs de nuit) dont 10 en à peine 9 jours.
Autres actions réalisées par les chasseurs au niveau département et national
A noter que les chasseurs de La Bastide de Sérou ont mis en place une solution inédite en France pour réduire les collisions occasionnées par le gibier. Sur un tronçon de route de 400 mètres situé sur la D117, à La Bastide-de-Sérou, près de l’embranchement en direction de Castelnau-Durban, au niveau de l’aire de repos, ils ont installé des dispositifs réfléchissants sur des petits piquets afin de diffuser la lumière des phares des voitures autour de l’axe routier et ainsi repousser les animaux susceptibles de franchir la chaussée.
La fédération nationale de la chasse (FNC) a également décidé d’améliorer la valorisation du gibier chassé en France et notamment sa commercialisation selon une information publiée par Réussir. Nicolas Rivet, le directeur de la FNC a expliqué que « nous accompagnons une expérimentation qui autorise, sur une quinzaine de territoires et pour un an, la découpe préalable en six morceaux de la viande de grand gibier par les chasseurs, conformément à un arrêté publié le 1er août dernier ». Ainsi, l’initiative vise à faciliter la vente en circuit court de la viande de gibier auprès des commerces de détail situés à moins de 80 kilomètres du territoire de chasse et, au vu de son succès, la FNC envisage de l’étendre. En effet, plus de la moitié des volumes de gibier commercialisés en France sont importés, parfois de très loin comme le cerf de Nouvelle-Zélande ou le sanglier… des Etats-Unis ! Ils expliquent alors que la FNC envisage de créer un label pour revoir la marque déjà existante « Gibier de Chasse-Chasseurs de France ».
I.ND