Fin avril, le Conseil d’État a annulé une partie de l’arrêté sur l’effarouchement des ours après avoir été saisi par Ferus-Ours, loup, lynx et huit autres associations.

Pour la deuxième année consécutive, le Conseil d’État a partiellement annulé l’arrêté des ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique « relatif à la mise en place à titre expérimental de mesures d’effarouchement de l’ours brun dans les Pyrénées pour prévenir les dommages aux troupeaux » publié chaque année pour la saison estivale.

En effet, neuf associations environnementalistes ont déposé en août 2020 une requête au secrétariat du contentieux du Conseil d’État demandant à ce dernier d’annuler cet arrêté publié le 12 juin 2020 au Journal officiel.

Cette requête, basée sur la directive Habitat et le code de l’environnement, a en partie abouti puisque l’article 4 de l’arrêté a été annulé cette année encore par le conseil d’État. Une énième victoire pour ces associations environnementalistes qui en prime repartent avec 2.000€ versés par l’État afin de rembourser les frais exposés par cette requête.

Tirs non-léthaux

Cette partie de l’arrêté concerne les conditions de mise en œuvre de l’effarouchement renforcé sur les estives les plus prédatées du massif pyrénéen.

La décision du conseil d’État stipule que « les dispositions attaquées relatives à la mise en œuvre de l’effarouchement renforcé ne permet toujours pas de s’assurer, eu égard aux effets d’un tel effarouchement sur l’espèce, et en l’absence de données scientifiques nouvelles témoignant d’une amélioration de son état de conservation, que les dérogations susceptibles d‘être accordées sur ce fondement par le préfet ne portent pas atteinte au maintien des populations concernées dans leur aire de répartition naturelle et ne compromettent pas l’amélioration de l’état de l’espèce« .

Ainsi, sans preuve que l’effarouchement renforcé ne perturbe pas le développement de l’effectif d’ours sur le territoire pour atteindre « la valeur de référence jugée nécessaire pour assurer la survie de l’espèce, estimée à une centaine d’individus » par le muséum national d’histoire naturelle en 2013 à la demande du Gouvernement, il sera considéré comme illégal.

Un bilan 2021 complet

À l’issue de la saison d’estive 2021, l’office français de la biodiversité (OFB) a publié un bilan des mesures d’effarouchement comme convenu dans l’article 6 de l’arrêté publié en mai 2021.

Ce document, composé de dix pages relate dans le détail des actions d’effarouchement effectuées dans le massif au cours de la période de transhumance de l’année passée. Une première cartographie relate des estives ayant bénéficier de l’effarouchement tout en signalant la quantité de nuit d’effarouchement renforcé effectuées sur certaines d’entre elles.

Source : OFB

Un focus est ensuite fait sur l’effarouchement simple, puis un second sur l’effarouchement renforcé pour lequel seules dix autorisations ont été délivrées en 2021 dont neuf en Ariège.

Dans ce bilan, un graphique relate du bilan des opérations d’effarouchement renforcé par estive. Sur 93 nuits d’intervention, 18 ont fait l’objet de l’effarouchement d’au moins un ours et ce uniquement avec des munitions à double détonations et non des balles en caoutchouc.

Source : OFB

Le comportement des ours est ensuite analysé par les services de l’OFB. Il est mentionné qu’au cours de trois opérations distinctes, une femelle accompagnée de petits a été effarouchée et que « à aucun moment l’effarouchement n’a eu pour effet de séparer la mère et les jeunes« . Cela met donc en évidence que l’effarouchement renforcé par le biais d’un tir à double détonation ne semble pas perturber l’espèce contrairement à ce qu’avancent les associations à l’origine de l’annulation d’une partie de l’arrêté de 2020.

Une petite avancée

L’arrêté pour la saison 2022 a quant à lui été mis en consultation récemment sur le site du ministère de la Transition écologique. Il comporte une nouveauté qui représente une petite avancée pour les éleveurs et bergers des estives surprédatées.

En effet, ces derniers pourront demander la mise en place de l’effarouchement renforcé dès leur montée en estive sans attendre la première attaque s’ils justifient d’une moyenne de « plus de dix attaques par an au cours des trois saisons d’estives précédentes« , d’avoir « mis en œuvre de manière effective l’effarouchement simple durant les douze derniers mois » et d’avoir « déjà subi une attaque après cette mise en œuvre effective« .

Certes, ce n’est toujours pas assez selon les élus mais il s’agit tout de même d’une avancée.

Les élus syndicaux en charge du dossier réagissent

“Lorsque cet arrêté sur l’effarouchement a été publié, il représentait une petite avancée pour nous. C’est un moyen supplémentaire pour les éleveurs et les bergers de défendre les troupeaux.

Mais comme pour chacune des avancées dont nous pouvons bénéficier, les associations écologistes les attaquent et on revient à la case départ. Ils l’ont fait pour l’arrêté sur l’effarouchement mais aussi pour les zones de non-traitement à proximité des cours d’eau ou encore les zones de non-traitement riverains.

Ici, leur argument principal est que l’effarouchement renforcé peut porter atteinte à la population ursine et à leur reproduction. Mais justement, rien ne prouve que cela leur porte atteinte et quand on observe la croissance de la population chaque année, cela n’a pas l’air de les déranger plus que ça.

En plus d’avoir fait annuler cet arrêté, ils ont obtenu de l’argent de l’État, ils trouvent toujours le moyen d’en récupérer.

Cependant, l’arrêté mis en consultation pour l’année 2022 représente une nouvelle avancée : les zones surprédatées pourront bénéficier de l’effarouchement renforcé dès le début de la saison sous certaines conditions. Cela serait mieux s’il était possible de le mettre en place partout mais c’est déjà quelque chose de positif. »

Sylvain Denjean, responsable du dossier prédation
chez les Jeunes Agriculteurs de l’Ariège

“Il y a trois ans, cet arrêté était une avancée pour nous, c’est vrai. Il représentait un espoir pour la sécurité de nos troupeaux. Mais aujourd’hui, ce n’est plus simplement nos troupeaux qui sont en danger, les Hommes le sont aussi. Et nous en avons eu la preuve cet hiver avec un chasseur qui a été attaqué par un ours pendant une battue.

La députée de Savoie, Émilie Bonnivard l’a dit récemment dans un article : « Dans le Couserans, on a une concentration massive de la population ursine, qui n’est absolument pas compatible sur le long terme ni avec le maintien des activités d’élevage, ni avec celles des autres activités humaines comme le tourisme » (La Dépêche, 17/04/2022, ndlr).

Si l’on arrête l’effarouchement, l’ours aura encore moins peur de nous et il deviendra un surprédateur. L’État essaye de jouer la montre, il fait un pas en avant pour en faire deux en arrière mais aujourd’hui plus que jamais il est important de prendre des décisions fortes sur cette question.

Quant aux associations, on peut se demander si elles attaquent vraiment ces arrêtés par fibre écologique ou si leur intérêt est uniquement de récupérer de l’argent. »

Sophie Alzieu, responsable du dossier prédation
à la FDSEA de l’Ariège

C.L. pour FDSEA et JA09