La fermeture des restaurations collectives et hors domicile a assené un coup de massue aux éleveurs de bovins lait de l’Hexagone. Peu nombreux dans le département, comment ont-ils vécu cette période et appréhendent-ils l’avenir.
Au cours du confinement, les journaux nationaux ont diffusé des images d’éleveurs laitiers désemparés, obligés de jeter du lait. Beaucoup approvisionnaient des laiteries qui par la suite vendaient des produits aux restaurateurs et aux restaurations collectives, tous fermés de mars à juin. Cette situation a encouragé le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) à venir en aide aux éleveurs.
En effet, l’interprofession a débloqué un fonds de dix millions d’euros pour venir en aide aux laitiers devant diminuer leur production. Sur la base du volontariat, ils ont pu baisser celle-ci de 2 à 5 % et être indemnisés à hauteur de 320€ les 1.000 litres de lait, soit le prix moyen payé par les laiteries.
À l’échelle départementale, certains producteurs n’ont pas été impactés par cette restriction. Certaines laiteries/fromageries telles que La Core Cazalas n’a pas réduit ses commandes aux producteurs. “Sylvie, la directrice, a privilégié les producteurs locaux pour sa production de fromages. Habituellement elle achète du lait à des fromageries dont la fromagerie Faup mais étant donner la situation inédite elle n’a pas renouvelé ses achats pour nous permettre d’écouler la totalité de notre lait,” explique Bastien Tatareau, installé à Thouars-sur-Arize sur l’exploitation familiale.
Des productions freinées
Dans les premiers temps du confinement, certaines laiteries ont considérablement baissé leurs productions ce qui a ainsi impacté des éleveurs du département. Ce fut le cas de la laiterie Faup qui a demandé à ses fournisseurs de réduire leur production de 20 % par rapport à l’année 2019.
Les seules solutions qui s’offraient aux éleveurs étaient de tarir les mères plus tôt et de nourrir les veaux via la tétée et non plus à la poudre de lait comme ils pouvaient le faire. “C’était une solution de courte durée pour eux, même si les veaux étaient nourris au lait entier ça ne réduisait la production que d’une centaine de litres et les mères taries plus tôt sont re-rentrées en production au maximum trois mois après,” développe Bastien Tatareau.
Puis par la suite, les laiteries sont revenues sur leurs décisions et se sont rendues compte qu’elles avaient besoin de lait pour produire des yaourts entre autres. Elles ont donc demandé aux éleveurs de réaugmenter leur production.
“J’ai surtout eu peur que le confinement joue sur le prix du litre de lait. Il n’est déjà pas très haut et la surproduction aurait pu le faire baisser de nouveau. Mais heureusement il a été maintenu. En cas de reconfinement, nous courons le risque que les stocks soient trop importants pour que notre production soit achetée dans sa totalité mais je n’ai pas vraiment d’inquiétude,” confie l’éleveur.
Une filière en danger
En Ariège, il y a une cinquantaine de producteurs laitiers. Mais certains pensent à transformer leur production pour quelque chose de plus rentable. “Aujourd’hui, il est impossible pour un jeune de partir de zéro en production laitière. Le coût d’installation est trop élevé et le prix d’achat du lait peut les freiner,” argumente Bastien Tatareau.
En effet, les contraintes horaires d’un cheptel laitier, le prix du litre qui s’élève à environ 0,34€ du litre et le territoire n’encouragent pas les jeunes à rejoindre la filière. “Certains départements ont une reconnaissance AOP pour les fromages comme le Cantal ou le Comté, cette pratique leur assure une rémunération plus juste de leur travail. En Ariège, c’est quelque chose qu’il nous manque. C’est la raison pour laquelle la création d’une marque qui identifie les produits spécifiques au département tels que le Bethmale pourrait encourager les jeunes à s’installer dans notre filière,” conclut Bastien Tatareau.
C.L.