Le rapport de la Convention citoyenne pour le climat a été remise le 21 juin à la ministre de la Transition écologique. De nombreuses propositions concernant l’agriculture ont été faites.

C’est le 21 juin que la Convention citoyenne pour le climat a rendu son rapport final à la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne.

L’alimentation et l’agriculture sont ici en première ligne. Un catalogue de bonnes intentions qui, en les analysant a minima, entendent transformer fortement l’agriculture française. Et la réduire à une part très congrue ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Convention citoyenne pour le climat (CCC) n’a pas pris beaucoup de gants pour exprimer ses demandes en matière d’agriculture et d’alimentation.

“Ce que nous mettons dans notre assiette représente 24 % de l’empreinte carbone d’un ménage”. Avec ce constat qui reste sujet à caution et qui interroge sur les 76 autres pour cent de l’empreinte carbone qui composent un ménage, le collectif de citoyens se fixe pour objectif de “réduire de 20 %, d’ici à 2030 notre consommation de viande et de produits laitiers, tout en augmentant la part des fruits et légumes, des légumes secs et de céréales”.

Les 150 personnes tirées au sort, les “Conventionnels”, proposent aussi de “passer à un choix quotidien dans les self-services à partir de 2022 et inciter la restauration collective à un menu unique à développer des menus végétariens”, en oubliant que des restaurateurs collectifs appliquent déjà ce choix culinaire dans nombre de leurs self-services. L’objectif est d’ailleurs de “garantir une alimentation moins animale et plus végétale”.

Agroécologie

Poussant le bouchon écologique encore plus loin, la CCC entend “transformer l’agriculture française en réduisant ses émissions de Gaz à effets de serre (GES) et les pesticides”, car le secteur agricole “représente 36 % des GES de la France”. Là encore les chiffres semblent sujets à caution puisque selon le Service de la donnée et des études statistiques (SDES) qui dépend du ministère de la Transition écologique, l’agriculture ne “contribue” aux GES qu’à hauteur de 16,4 % !

Un taux qui descend à 10 % sur le plan européen. Qu’importe. Sur la foi de leurs chiffres, les Conventionnels proposent “l’objectif très ambitieux de 50 % de terres en agroécologie (…) en 2040”, parce que c’est “une pratique plus respectueuse de l’environnement”. Or ce concept d’agroécologie nécessite de solides connaissances agronomiques, et les revenus ne sont pas toujours au rendez-vous.

La PAC comme levier

Le pendant de cette “agroécologie”, est la diminution de “50 % d’ici à 2025” des produits phytosanitaires, d’interdire “dès maintenant” les produits CMR1 et d’interdire en 2035, “les pesticides les plus dommages pour l’environnement”, sans préciser lesquels… De même, la Convention propose d’interdire les “auxiliaires technologiques ou de production”2 ainsi que les graines génétiquement modifiées d’ici 2025.

Le rapport semble très ténu avec la problématique climat même si le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC) les considère comme utiles, dans la mesure où elles peuvent résister au stress hydrique, nécessiter moins d’intrants, etc. Pour “faire muter notre agriculture pour en faire une agriculture durable”, les 150 Conventionnels entendent miser sur l’enseignement agricole et utiliser les aides de la PAC comme levier.

Toutes les propositions de la Convention ne devraient pas être retenues. Et le peu qui le seront ne manque pas d’interroge : La France sera-t-elle le seul pays à s’inscrire dans cette démarche ? Que feront les autres pays de l’Union européenne ? Si ces derniers devaient s’inscrire dans cette démarche, que feraient notamment les États-Unis, la Chine, le Mercosur ? S’engouffraient-ils dans cette voie de l’agroécologie ? Rien n’est moins sûr.

Actuagri

1 Produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (liste disponible sur le site de l’INRS : http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=outil66)
2 Colorants, etc.


Qu’en pensent les élus locaux ?

Anne-Claire Latrille, élue à la chambre d’agriculture en charge du dossier environnement

“Les agriculteurs ont toujours eu et ont su relever de nombreux défis et le défi écologique en particulier. Il y a eu beaucoup d’évolutions dans ce sens au fil des années sur nos exploitations. Pour répondre aux changements climatiques, ce que vise cette convention, d’autres propositions sont faites aujourd’hui par la profession. Je pense en particulier à l’étude Clim’Agri réalisée sur la région Occitanie et qui propose différents scénarios à l’horizon 2050. Les orientations qui y sont retenues assurent des solutions agroécologiques mais aussi l’économie de l’agriculture et l’autonomie alimentaire à l’échelle de la région. Un sujet d’autant plus d’actualité suite à la crise sanitaire liée à la Covid-19.”

Sébastien Durand, élu FDSEA en charge du dossier environnement

“Je trouve regrettable qu’il n’y ait eu que deux agriculteurs pour rédiger cette convention. Je veux bien entendre que l’agriculture française doit changer par rapport à certains problèmes environnementaux mais j’estime que nous exerçons l’un des métiers auquel on demande la plus grande capacité d’adaptation (normes environnementales, réductions de l’utilisation de produits phytosanitaires, mise aux normes des bâtiments d’élevage…). Il nous faudra d’énormes moyens financiers pour pouvoir changer de mode d’exploitation. Lorsque cette convention mentionne une diminution de 20 % de consommation de viande d’ici 2030. Cela signifierait qu’une exploitation d’élevage sur cinq devrait disparaître en 10 ans. C’est aberrant ! Dans certains endroits, les agriculteurs n’ont pas d’autre choix que de faire de l’élevage. Il faut que les Français se rendent compte de la réalité.”

Clémence Biard, présidente des Jeunes Agriculteurs de l’Ariège

“Avant cette proposition, les agriculteurs travaillaient sur la réduction des gaz à effet de serre, le stockage du carbone ou encore la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires depuis de nombreuses années déjà. Toute cette transition, si elle se fait, doit être accompagnée de moyens économiques suffisants mais aussi accompagnée en termes de conseils, de matériels et de techniques.”

Propos recueillis par C.L.