Lundi 17 avril, le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire s’est rendu en Ariège pour échanger avec les exploitants du département autour de deux thématiques importantes : l’ours et l’eau.
Après plusieurs reports de date, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, est venu rencontrer des exploitants ariégeois le lundi 17 avril. Son déplacement combinait à la fois l’Ariège en matinée et la Haute-Garonne l’après-midi.
Sa visite en Ariège se concentrait principalement autour de deux thématiques : la prédation ursine et l’eau. Ainsi, dès 8h, il s’est rendu sur l’exploitation de Jean-Pierre Mirouze à Saint-Bauzeil.

Là, il a été accueilli par une délégation d’élus parmi lesquels : Denis Caretier, président de la chambre régionale d’agriculture Occitanie, Philippe Lacube, président de la chambre d’agriculture de l’Ariège, Thomas Fromentin, président de la communauté d’agglomération Pays Foix-Varilhes, Norbert Meller, maire de Foix, Jean-Pierre Mirouze, exploitant et maire de Saint-Bauzeil, Christine Téqui, présidente du conseil départemental de l’Ariège, Jean-Jacques Michau, sénateur de l’Ariège, Martine Froger et Laurent Panifous, députés de l’Ariège.
Témoignage ému
Après avoir brièvement présenté son exploitation, Jean-Pierre Mirouze est revenu sur deux dérochements de grande ampleur que son exploitation a connu avec une vive émotion.
« Nous estivons à Aston en Haute-Ariège. En 2005, nous avons eu un premier dérochement de grande ampleur. Au total 162 brebis ont été retrouvées mortes. Mon père, encore sur l’exploitation a l’époque a été vivement touché par cet incident. Bien que 162 brebis aient été constatées, beaucoup d’autres bêtes manquaient à la descente« , expose l’éleveur.
La reconstruction du troupeau a pris beaucoup de temps aux exploitants mais à peine s’étaient-ils remis du choc qu’un nouveau dérochement a eu lieu en 2019. Ici, ce sont 265 brebis qui sont mortes.
« Quatre ans plus tard, l’exploitation n’a toujours pas retrouvé un équilibre économique. Le troupeau que vous voyez aujourd’hui ne correspond pas aux exigences que nous avons d’un point de vue de la qualité de nos bêtes. Et cette baisse de qualité on la doit à l’ours« , confie Jean-Pierre Mirouze au ministre de l’Agriculture.
Divers points de vue
Après avoir laissé la parole à Jean-Pierre Mirouze, Philippe Lacube a interrogé Coline Grandjacques, bergère en Haute-Ariège. Cette dernière a présenté à Marc Fesneau plusieurs photographies de l’estive où les brebis de Jean-Pierre Mirouze et d’autres éleveurs transhument […].

Son témoignage a été suivi par ceux de René Tougne et de Philippe Perissé, tous deux éleveurs dans le Couserans où les ours sont les plus nombreux. Lisa Laguerre, tout juste installée et auparavant bergère, a également pris la parole face au ministre. Avec beaucoup d’émotion, elle a expliqué la réalité de l’estive […].
Choc post-traumatique
Élodie Amilhat, élue de la chambre d’agriculture, a de son côté présenté au ministre une étude de la MSA révélant que les éleveurs et bergers ayant perdu des bêtes à cause de l’ours faisaient face à des troubles du stress post-traumatique […]. Rémi Denjean, également éleveur ovin, est ensuite intervenu afin d’aborder la question de l’indemnisation […].

Après quelques questions afin d’avoir des précisions sur le fonctionnement de l’effarouchement mais également le nombre d’ours présents sur le territoire pyrénéen, le ministre a remercié chacune des personnes ayant témoigné.
Réunions
Une fois la visite de l’exploitation terminée, le ministre s’est rendu à la chambre d’agriculture afin d’assister à deux réunions. La première traitait de la prédation.
Elle fut l’occasion pour les élus de la chambre de remettre à Marc Fesneau une étude réalisée en 2019 suite au dérochement subit par Jean-Pierre Mirouze et ses frères. Plusieurs représentants des syndicats FDSEA et Jeunes Agriculteurs ont profité de ce temps d’échange pour porter la voix de leurs adhérents en abordant la question du comptage précis des ours mais également celles de la régulation, la légitime défense et l’effarouchement.

S’en est suivie une réunion sur les mesures agricoles du plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau. Pour l’occasion, de nombreux acteurs de l’eau ayant participé à l’agora de la chambre d’agriculture du 6 février ont fait le déplacement afin de présenter le travail réalisé à l’occasion de cette agora.
En conclusion de ces réunions, le ministre s’est exprimé auprès de la presse.
« Le but de mon déplacement aujourd’hui était de mettre des mots sur ce qui arrive aux éleveurs qui subissent des prédations. L’opinion pense que l’indemnisation suffit dans le cas d’une perte d’un animal mais ils m’ont prouvé que ce n’était pas le cas. Je retiens trois choses de nos échanges. Tout d’abord, il est important que les arrêtés autorisant l’effarouchement cessent d’être cassés par la justice. Nous avons essayé de proposer un nouveau texte de loi plus fort pour la saison à venir. Ensuite, un travail va rapidement être à faire quant à l’indemnisation, à la fois pour qu’elle soit plus adaptée à la perte vécue mais également pour qu’elle ne soit pas réglée trop tardivement. Nous allons également étudier la question de la légitime défense face à l’ours mais aussi celle de la responsabilité des éleveurs, employeurs des bergers, dans l’éventualité d’un accident dû à l’ours« , a développé le ministre.

Interrogé sur la mort d’un traileur en Italie, le ministre a précisé qu’il comptait échanger avec son collègue italien mais que « la question n’est pas de sortir mais d’accueillir les ours« , sous-entendu « si nous les déplaçons, où les mettre« .
Quant à la question de l’eau, le ministre a félicité le travail fait par les structures. « Je suis heureux d’entendre qu’un ensemble d’acteurs se soit saisi de ce sujet. L’eau créé de grandes inquiétudes dans tous les domaines mais il est important qu’il y ait une prise de conscience collective. L’eau agricole est là pour nourrir la population et pas pour autre chose. Je tiens également à féliciter la profession de la décision prise à court terme pour la campagne 2023 de réduire les volumes attribués aux irrigants« , précise le ministre.
À l’issue de cette intervention, Marc Fesneau a pu bénéficier d’un buffet composé de produits labellisés Nòu Ariège-Pyrénées.
Sortir d’hibernation

Suite au départ du ministre, Philippe Lacube est revenu sur cette matinée de rencontres. « Notre objectif ici était de faire vivre au ministre un vrai moment d’échange pour que la vraie vie de notre territoire lui soit montrée avec force et vérité. Et c’est chose faite. Nous avons pu lui faire entendre un certain nombre de choses et aborder des pistes de travail pour l’avenir« , précise le président.
Alors interrogé sur cette visite qui n’était « que du vent« , Philippe Lacube a répondu que lorsque l’on reçoit un ministre, ce n’est jamais « du vent« .
« La vérité a été exprimée, j’espère qu’il y aura des engagements et des actes et il faut y croire. Qu’il s’agisse de la prédation ou de l’eau, le ministre a entendu nos demandes. Par exemple, pour l’adduction du Touyre, où personne n’a réellement la compétence, il va se renseigner pour qu’elle soit accordée au département car ici le potentiel annuel est de 10M m3. Pour ce qui est de la prédation, il s’est engagé à revenir vers nous d’ici 15 jours pour nous donner de premières réponses. Nous déplorons simplement que cette visite ait eu lieu si tard dans l’année, comme si l’État était en hibernation comme l’ours« , conclut le président.
Suite à cette visite, la profession attend de réelles avancées. Du côté de la prédation, les élus considéreront qu’il y en aura une dès lors que le nombre de bêtes tuées diminuera considérablement. Quant à l’eau, ils espèrent que l’engagement du ministre à légiférer sur la compétence du conseil départemental trouvera une réponse rapidement.
C.L.