Le projet Life Ours-Pyr a fait parler de lui. Après la découverte de l’existence de ce dossier le 3 mai dernier, les élus agricoles du massif ont voulu en savoir plus et leur retour est unanime : il doit être retiré.
Au cours de la réunion du groupe “Pastoralisme et Ours” du 3 mai, les élus agricoles du département ont fait une découverte des plus déroutantes. La Dreal Occitanie travaille depuis 2019 sur un projet intitulé Life Ours-Pyr dont le coût de mise en place est estimé à près de huit millions d’euros.
Depuis 2018, le Gouvernement a mis en place un groupe de travail nommé “Pastoralisme et Ours”. Des réunions regroupant les acteurs du pastoralisme pyrénéen, des représentants de l’État et d’associations environnementalistes sont organisées plusieurs fois dans l’année. Chaque fois, les élus syndicaux et de la chambre d’agriculture ariégeois refusent d’y participer.
Cependant, des retours leur sont faits suite à chacune d’entre elles. La dernière en date s’est déroulée le 3 mai courant et une chose est sûre, elle fait parler d’elle.
Une information dissimulée
En effet, c’est au cours de cette dernière que le projet Life Ours-Pyr a été brièvement mentionné pour la première fois. Intrigués par ce projet, les élus du territoire ont souhaité en savoir plus et ont pu obtenir un bref résumé de celui-ci composé de six pages.
Six pages pour résumer 206 pages de projet, autant dire que c’est peu mais déjà cette synthèse a attisé les tensions entre le monde agricole et l’État.
Tout d’abord, il est important d’étudier le sous-titre de ce projet : “Conservation de l’Ours brun en adéquation avec les activités anthropiques dans le massif des Pyrénées (2021-2027)”. Bien entendu, l’idée de la “conservation de l’ours” n’est pas passée auprès des élus. Mais le plus déroutant est la date de commencement de ce projet : le 1e septembre 2021 soit dans moins de quatre mois.
À cela s’ajoute le budget dédié à ce projet : 7.950.312 € dont 75 % financé par l’Union Européenne soit 5.843.925 € mais également la date de dépôt de la première note du dossier : juillet 2019, il y a deux ans de cela.
La Dreal et les autres partenaires du dossier – la pastorale Pyrénéenne (PP), le CNRS, l’office nationale des forêts (ONF), le parc national des Pyrénées, l’office français de la biodiversité (OFB), les association Altaïr, Ferus, Adet Pays de l’ours, le fonds d’intervention Éco-Pastoral – Groupe ours Pyrénées mais surtout le parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises (PNRPA) – ont donc caché l’existence de ce projet au monde agricole deux ans durant alors que l’État prônait la transparence sur ce dossier avec son groupe “Pastoralisme et Ours”.

Traductions :
Coordinating Beneficiary’s contribution : contribution du bénéficiaire coordinateur ; Associated Beneficiaries’ contribution : contribution des bénéficiaires associés ; Country code : code du pays ; Beneficiary short name : abréviation du nom du bénéficiaire ; Total costs of the actions in € (including overheads) : Coût total des acrtions en euros (incluant les frais généraux) ; Beneficiary’s own contribution in € : contribution propre du bénéficiaire en euros ; Associated beneficiary’s own contribution in € : contribution propre du bénéficiaire associé en euros ; Amount of EU contribution requested in € : montant de la contribution de l’Union Européenne demandée en euros.
Un partenaire implanté localement
L’une des plus grandes inquiétudes des élus ariégeois était la présence du PNRPA parmi les partenaires de ce projet, le parc étant l’un des interlocuteurs privilégiés de l’agriculture dans le département. Ainsi, Philippe Lacube, président de la chambre d’agriculture de l’Ariège, s’est rapproché de Kamel Chibli, président du syndicat mixte du PNRPA, qui a confirmé le retrait du parc de ce projet en date du 21 avril 2021.
Selon l’élu de la chambre consulaire, le PNRPA était le seul ancrage territorial du projet Life Ours-Pyr et son départ ne sera que bénéfique pour la demande de retrait du projet complet par les élus du massif des Pyrénées.
Ce résumé de six pages aborde également les divers objectifs du projet Life Ours-Pyr parmi lesquels on retrouve la volonté de doubler le nombre d’“individus sexuellement matures participant à la reproduction” d’ici 2027, “de diminuer les contraintes de la cohabitation entre les ours et l’activité humaine” et de développer des “démarches de médiation” sur le massif pour que les politiques européennes soient acceptées par les populations locales.
Un bref détail de la répartition de l’enveloppe de 8 millions d’euros est donné en adéquations avec les actions qui seront mises en place au cours des six ans d’exécution du projet ainsi que des cartes du territoire concerné.
Omission volontaire ?
Mais la lecture seule de cette synthèse ne suffit pas à voir l’ampleur et le possible impact de ce projet proposé par la Dreal et ses partenaires. Comme l’a dit Nietzsche, “le diable est dans les détails” et il est sûr que des détails, il y en a un certain nombre à relever au sein des 206 pages du dossier de demande de subvention rédigé pour être déposé à la commission européenne.
Au total, 57 % du budget sera alloué aux actions de conservation de l’espèce soit près de cinq millions d’euros dans l’objectif d’atteindre une cinquantaine d’individus sexuellement matures en 2027 contre 26 aujourd’hui.
Cependant, l’ours des Pyrénées est confronté à deux menaces majeures selon la Dreal Occitanie. La première est les “risques génétiques liés à la faiblesse numérique, à la fragmentation et à la forte consanguinité de la population”.
Pour remédier à cela, le projet propose plusieurs actions dont l’une est de “renforcer la connectivité des deux sous-noyaux de la population” situés dans les Pyrénées centrales et les Pyrénées occidentales. Ainsi, des travaux d’aménagement seront mis en place.
C’est-à-dire que les problématiques de prédation, principalement présentes en Ariège et dans le Béarn, seront maintenant présentes à l’échelle de tout le massif uniquement dans le but de préserver une espèce animale contre des millions d’euros de production agricole.
La question des réintroductions est également abordée avec la “mise en œuvre plus rapide des mesures de remplacement” afin de diversifier la génétique.
Une médiation souhaitée
La seconde menace est les “mortalités d’origine anthropique et l’acceptabilité sociale” à laquelle la Dreal souhaite répondre par une médiation du public. Avec d’un côté les professionnels par une “mobilisation des sciences sociales et humaines” en particulier dans le Béarn où “l’objectif est bien d’éviter la reproduction du schéma d’opposition grandissant à la présence d’ours qui s’est manifestée avec la croissance de la population dans le département de l’Ariège” et donc de “doter” les acteurs de ce territoire “des compétences et des outils nécessaires à une bonne coexistence”.
Les Ariégeois n’ont donc pas été assez bien dressés et il est important de le faire avec les Béarnais avant que la situation ne dégénère.
Mais le grand public est également visé par cette médiation. Et la Dreal a une idée bien précise du lavage de cerveau qu’elle souhaite faire : “le renouvellement du personnel politique et la pression exercée par les citoyens pour répondre aux grands enjeux de la crise environnementale […] pour améliorer […] la prise en compte de la conservation de la nature en général et la protection de l’ours en particulier”.

Contradictions à la volée
Tout au long de ce document, les porteurs de projet ne cessent de se contredire. D’un côté il est dit que l’efficacité des mesures de protection mises en place par la feuille de route “Pastoralisme et Ours” “est démontrée à l’échelle européenne, voir mondiale”. Mais de l’autre qu’il est nécessaire de proposer des “techniques de management des troupeaux plus appropriées” par le biais de trois estives pilotes qui testeront de nouvelles technologies tels que des colliers à ultrason lumineux pour les brebis, des colliers GPS pour les brebis et les chiens de troupeau et l’installation de caméras thermiques sur ces estives pilotes pour analyser le comportement de l’ours.
Ils précisent également que ce projet aura de “grands bénéfices pour la communauté européenne” et que ses résultats pourront être “transférés à d’autres grandes espèces de prédateurs”. Donc, pour faire simple, les Pyrénées seront des cobayes pour le monde entier.
Mais surtout, ils expliquent en parallèle que la mise en application de ce projet fait face à de grands risques comme :
- “la difficulté à prévoir et contrôler la réaction de l’ours aux actions qui seront mises en œuvre via ce projet” ;
- “l’opposition des parties prenantes locales” qui reste cependant pour eux “plus gérable” grâce aux “relations de confiances” établies avec l’OFB, l’ONF ou encore la PP.
Alimentation animale et humaine
Bien qu’ils reconnaissent l’importante prédation due aux ours, les rédacteurs de ce projet entendent la faire baisser de 5 à 10 % par an tout au long du projet tout en précisant que “vers la mi-juillet, les ours montrent une nette préférence pour les fruits charnus qu’ils commencent à consommer en alternance plus ou moins marquée avec les animaux domestiques”. Pour autant, si l’on regarde les chiffres de l’OFB, les attaques ont la fâcheuse tendance à augmenter dès le 31 juillet et ce depuis 2016.
Outre des formations et des actions de médiation à destination du monde agricole, les participants à ce projet proposent aux agriculteurs d’utiliser l’image de l’ours pour promouvoir leur production. “La pérennité et la sécurité économique des systèmes d’élevage transhumants, à la fois par : […] l’amélioration des revenus par une meilleure valorisation des produits agricoles en zone à ours, par la création de signe de qualité utilisant l’image de l’ours”.
Ainsi, bientôt, on retrouvera sur les étals des bouchers de la viande estampillée “Agneau issu d’une mère épargnée par l’ours” ? Les ours font perdre des années de travail de génétique aux éleveurs et il faudrait le remercier et utiliser son image pour gagner plus d’argent et compenser les pertes dues à ses attaques ?
Une chose est sûre, dans ce dossier, le parti est pris en faveur de l’ours pour lequel il est important de “préserver l’habitat et la quiétude” car il est défini comme “une espèce ingénieure des écosystèmes” en dépit de toute la vie présente autour de lui. C’est à l’homme de s’adapter à la présence de l’ours et non l’inverse.
C.L. pour la FDSEA 09, JA 09 et la chambre d’agriculture de l’Ariège