Après une alerte lancée par les éleveurs ariégeois début 2021, concernant le nombre important de courriers d’avertissement reçus pour des vaches en fin de gestation conduites à l’abattoir, les mesures prises dans le département ont porté leurs fruits. En effet, la quantité de bêtes gestantes et proches du terme abattues a fortement diminué ces deux dernières années ; une bonne nouvelle selon Antoine Casteignau, vétérinaire coordonnateur des abattoirs de l’Ariège.

Le 11 mars 2021, une réunion était organisée entre les services vétérinaires de l’État, la chambre d’agriculture, les syndicats majoritaires FDSEA et JA09 ainsi que les représentants des éleveurs, afin d’aborder la question des vaches gravides apportées à l’abattoir.

En effet, suite à de très nombreux constats de vaches à terme ou proches du terme dans les abattoirs du département, ce sont autant de courriers d’avertissement qui avaient été adressés aux éleveurs concernés.

Ce que dit la loi

Les réglementations européennes et nationales interdisent le transport de femelles gravides ayant dépassé 90 % de la durée normale de gestation. Dans ce cas, les services vétérinaires d’inspection (SVI) sont tenus d’informer les éleveurs propriétaires par le biais d’un courrier de notification et de rappel de la loi dans lequel les sanctions encourues sont précisées.

Ainsi, les éleveurs peuvent faire l’objet d’un procès-verbal de constatation d’infraction, sanctionné par une contravention de 4e classe d’un montant maximum de 750€.

« Outre les textes de loi, beaucoup d’éleveurs savent déjà qu’une fois assommée, la vache est inconsciente pendant toute la durée de la saignée et meurt donc sans souffrance. Son fœtus en revanche n’est pas assommé : il meurt d’une asphyxie lente et peut se débattre dans le ventre de la vache. C’est une scène assez dure pour le personnel d’abattoir présent sur chaîne. Enfin, la présence d’une matrice avec un gros veau présente un risque accru lors de l’éviscération et demande un effort important à l’opérateur à ce poste« , précise le vétérinaire coordonnateur des abattoirs de l’Ariège […]

Beaucoup de changements

Depuis cette réunion, les agents des SVI ont observé une forte diminution du nombre de vaches à terme abattues, ce qui se traduit par beaucoup moins de courriers de rappel à la loi expédiés aux éleveurs ariégeois.

« En 2020, nous avons envoyé pas moins de 89 courriers de constatation et deux procès-verbaux sur 3.882 gros bovins abattus. En 2021, ce chiffre était descendu à 55 malgré une augmentation du nombre d’abattages, avec 4.334 gros bovins sur l’année entière. Enfin, entre janvier et octobre 2022, nous avons expédié 29 courriers pour 4.411 gros bovins abattus. Le nombre de vaches gravides proches du terme réceptionné au sein des deux abattoirs ariégeois a donc été pratiquement divisé par trois ! Cela s’explique par de nombreuses actions mises en place à la fois du côté des SVI, mais aussi des éleveurs et de leurs vétérinaires« , développe le vétérinaire coordonnateur.

Diagnostics précis

En ce qui concerne la DDETSPP, trois actions ont été mises en place. Tout d’abord, les agents du SVI ont affiné le diagnostic de l’âge des fœtus. La gestation complète d’une vache dure entre 280 et 290 jours. Il est possible de transporter les animaux jusqu’à 90 % de la gestation, soit 255 jours en moyenne. Une fois engagé le huitième mois, certains détails ne trompent pas lors de l’observation du fœtus.

« Nous avons constaté que les dents sont l’indicateur le plus fiable : si les incisives n’ont pas encore percé, c’est que le veau n’était pas encore prêt à naître. En revanche, si on a les quatre, c’est que la vache était dans les toutes dernières semaines. Nous observons également les poils et les cils des fœtus mais, comme pour la maturation des onglons, ce n’est pas un indicateur absolu. Selon les races, ils peuvent apparaître de manière plus ou moins précoce. Ces variations avaient d’ailleurs été vivement discutées par les éleveurs en 2021. C’est donc bien la combinaison de ces différents éléments, associée à la taille globale du fœtus, qui nous permet de déterminer l’âge et la distance au terme« , détaille Antoine Casteignau […]

Relationnel avant tout

La seconde décision prise par la DDETSPP a été de contacter les éleveurs systématiquement par téléphone lorsqu’une vache a dépassé la date de transport autorisée. Ainsi, un échange est possible entre le SVI et l’éleveur concerné, qui peut recevoir des photos du fœtus ou venir constater sur place.

« En plus d’un an de mise en place de cette mesure, peu d’éleveurs ont fait le déplacement. Cependant, la plupart du temps, nous avons des échanges constructifs« , ajoute Antoine Casteignau.

Dans certains cas, le vétérinaire sanitaire de l’éleveur peut aussi participer à l’échange, si un système de fouille a été mis en place sur l’élevage et que les informations communiquées par le vétérinaire diffèrent de celles observées à l’abattoir ; c’est l’occasion pour toutes les parties en présence d’affiner le diagnostic de gestation.

Actions des éleveurs

En effet, de leur côté, les éleveurs ont également effectué un gros travail pour éviter de faire face à ce problème.
Tout d’abord, nombre d’entre eux font fouiller les femelles mises à l’engraissement pour estimer l’avancée d’une possible gestation. Bien que la fouille ne donne pas une date exacte de saillie, cela permet d’avoir tout de même une idée assez précise, surtout entre quatre et sept mois.

« C’est une pratique qui fonctionne très bien et il est important de la développer. Un veau prêt à naître peut avoir de la valeur pour le renouvellement du troupeau ou à la vente« , argumente Antoine Casteignau.

Lorsqu’ils ont un doute ou une question, les éleveurs peuvent contacter directement les services vétérinaires afin d’avoir plus d’informations. Quelquefois, ils choisissent de conserver leur bête et la font abattre après le vêlage pour conserver et valoriser le veau […]

Réunion et travail commun

En parallèle de ces diverses actions, des réunions se tiennent toujours régulièrement avec les différents acteurs du territoire afin d’aborder cette question mais aussi d’autres sujets liés à l’aspect sanitaire dans les élevages […]

Les chiffres s’expriment par eux-mêmes, avec un nombre de cas divisé par trois en deux ans : des efforts ont été fait à la fois du côté de l’État et des éleveurs pour éviter le recours aux sanctions.

« Je suis pour ma part très satisfait de cette évolution. Nous sommes parvenus à mettre en place un dialogue serein avec les acteurs de l’élevage bovin et cela a porté ses fruits. Le risque zéro n’existe pas et nous le savons, mais il est nécessaire de continuer ainsi. Certes, il est toujours possible d’améliorer les chiffres mais je suis très content du résultat de cette année et demie de travail ensemble« , conclut le vétérinaire coordonnateur.

C.L.